Témoignages

Expériences des pairs

Christophe

Christophe

Mai 2020. 29 mai 2020. Je fais mon troisième malaise. Il fait beau et je suis couché sur ma terrasse, incapable de me relever. Enfin, pas tout de suite. La tête tourne et j’ai cette curieuse impression de flotter. C’est le deuxième épisode de la sorte en quelques jours. J’avais bien ressenti quelques vertiges au moment de me coucher, mais j’avais immédiatement pointé les journées trop longues, les clients trop exigeants… Bref, la fatigue. Quelques jours auparavant, à la caisse du supermarché, j’avais demandé au personnel de me trouver une chaise. Mes jambes ne me portaient plus. Mais les choses étaient rentrées dans l’ordre avant même que la gentille dame s’inquiétant de mon état ne comprenne l’urgence – ou devrais-je dire la non-urgence ? – de la situation. Revenons-en au 29 mai 2020. Mon épouse prend rendez-vous chez mon médecin traitant. Une prise de sang est effectuée en urgence. La journée se passe sans encombre. Nous nous rendons dans un établissement au cœur d’un bois, sans réseau. C’est à l’heure de retrouver une couverture GSM correcte que mon smartphone chante comme un oiseau au soleil. Mon médecin traitant m’a laissé quatre messages. J’ai rendez-vous dans un hôpital universitaire et je dois y être avant 16 heures. Cela tombe bien. Nous sommes à côté. Le médecin, un rien brut de décoffrage, n’y va pas par quatre chemins : au vu de ma prise de sang, il suspecte une polyglobulie. Mais dans un premier temps, pour me soulager et éviter un nouveau malaise, il m’indique la salle des infirmières qui, me dit-il, vont me faire une saignée. Ma première réaction est de sourire. Une saignée ? Comme Louis XIV ? Mais le médecin, lui, ne sourit pas. C’est urgent. Deuxième rendez-vous. Pour consolider son diagnostic, le même médecin préconise une ponction de moelle osseuse. J’encaisse et suis son conseil avisé : autant la faire tout de suite. Je risque de ne pas revenir si je la reporte. Sans doute cherche-t-il à me décontracter, mais je ne suis pas certain d’avoir souri quand il m’a annoncé que son nom, en néerlandais, signifiait « Le bourreau ». Dans l’absolu, les choses ne se passent pas trop mal. Sans doute le Xanax proposé par une des infirmières n’est pas étranger à la chose. Je vous fais grâce des 24 mois qui suivirent. Confirmation de Vaquez Jack 2 et valse des saignées. Une par semaine, pour commencer. Puis tous les quinze jours pour finir par une par mois. Le passage au rendez-vous mensuel s’accompagne de la prescription d’Hydrea. D’abord un, puis deux et enfin trois. Bien évidemment, la Cardioaspirine devient ma meilleure amie, en fin de chaque après-midi. Après deux ans de traitement, la barrière de la langue (j’ai été admis dans un hôpital néerlandophone) devient difficile à surmonter. Une amie nous indique alors connaître un docteur d’exception, une hématologue qui pourra m’éclairer sur mes zones de doute. Depuis maintenant un peu plus d’un an, les rendez-vous s’enchaînent avec un verdict qui ne laisse pas place à l’interprétation. Les résultats des prises de sang sont bons, mais nous n’avons toujours pas atteint les objectifs qui permettraient à tous les esprits de gagner en sérénité. Je vis donc ma polyglobulie au rythme d’une saignée par mois, de trois Hydrea par jour, d’une Cardioaspirine quotidienne ainsi que d’un Allopurinol.